dimanche, février 14, 2010


Yolanda Lisi - Chanson sur une seule note / Je veux dormir avec toi
(1963; London FC 616)

Je n'ai jamais été de ceux qui plongeaient tête première dans tout le kitsch que traîne avec elle la St-Valentin. Comme si l'amour devait s'exprimer par toute une panoplie de gadgets quétaines, mais pas à peu près, une fois l'an... Chocolats Lowney enrichis de sirop de fructose à la rose du Benghal? Non merci. Sous-vêtements en rayonne affriolants aux motifs de cupidon? Sans façon. Que voulez-vous, j'essais de vivre l'amour à l'année...

Je n'allais pourtant pas vous laisser aller sans une chanson de circonstances, chaude et aguichante. La chanteuse Yolanda Lisi n'est pas reconnue comme l'une de nos chanteuses les plus sensuelles, je vous l'accorde. Sa pop ensoleillée et légèrement jazzée est la plupart du temps rangée et plutôt sans risque. N'empêche, Lisi affiche une assurance et une chevelure qui tenaient bon sur la scène du début des années 60. Elle débuterait sa carrière vers 1955, enregistrant un premier succès, Vaya con Dios. Un autre simple, Le goût de toi, la ferait à nouveau gravir les échelons des palamarès en 1963. La même année, Lisi grave deux titres pour London en apparences inédits à ses longs-jeu. La face A revisite et traduit Una Nota Samba de Juan Carlos Jobim et propose des arrangements sobres et quelques chou-bi-dou en choeurs qui en font une reprise lounge au charme immédiat. C'est avec la face B, la suave Je veux dormir avec toi, que Lisi donne le ton à cette St-Valentin. Elle épellera le nom de son amant (r, o, g, e, r...) en introduction avant de le séduire par sa voix retenue et son ton coquin. Roger succombera... Un trio jazz l'accompagne subtilement, avec quelques touches de vibraphone et des voix masculines de velours. Suprenant. Merci à l'ami Maurice pour cette découverte.

Décidément, Lisi n'était pas que la chanteuse du jingle de Da Giovani! Et à propos, de sources sûres, elle attendrait toujours son cachet pour cette chanson que tout le monde a fredonné...


Time to celebrate the commercial love fest that has become Valentine's Day. How 'bout some Yolanda Lisi, a smooth jazz-pop singer that started around 1955 and scoring her biggest hit in 1963 with Le goût de toi. The very same year, she recorded this London single that surprinsingly doesn't appear on any of her LPs. Tha A-side is a nice loungy cover of Una Nota Samba, but the B-side offers something spicier. Je veux dormir avec toi (I wanna sleep with you) is a sexy down-tempo ballad where Lisi sensually spells out her lover's name (r, o, g ,e ,r...). Nice vibes!



mardi, février 09, 2010



Tony Roman


Miscellannées du Rock Québécois (1970-1974)


Question de se secouer les puces, chasser le blues hivernal et vous démontrer que Patrimoine PQ peut discuter d'autres choses que de pop-folk-psychédélique, j'ai pensé vous offrir une sélection de quelques-uns des meilleurs 45 tours rock du début des années 70. Si le son pesant et testiculaire des rockeurs se frayait timidement une place dans les moeurs post-yéyé, nous étions pourtant au carrefour des influences internationales et à l'avant-scène du véritable son du Québec moderne. Tout se mettait en place. Certains le chanteraient en français, témoignant parallèlement de l'évolution de notre langue dans des formes d'expression résolument américaines* (Charlebois, Vos Voisins, Aut'Chose, Dyonisos, Connexion), d'autres traduiraient leurs intentions vers une prose plus facilement exportable (Morse Code Transmission, Le 25e Régiment, Les Sinners, Guillotine, Ellison, Blind Ravage). Tous étaient francophones ou francophiles, mais cherchaient à se démarquer sur une scène qui voulait aller 40 degrés au dessus du yéyé... Dans un Québec qui s'affirmait simultannément par ses racines auropéennes et ses influences américaines, cette dualité qui nous est si singulière se complexifierait par la montée du mouvement souverainiste et la Crise d'octobre.

Comment créer un rock typiquement Québécois? Ce n'est pas donné à tout le monde de rocker en français; une simple traduction ne suffit pas et certains s'y casseraient les dents (je pense à quelques textes du premier disque du groupe Sex, par exemple). Michel Pagliaro, ancien chanteur des Chanceliers nouvellement libéré de son image de bon garçon, arriverait d'ailleurs à point au début d'une nouvelle décennie pour paver la voie à une vague pancanadienne de boogie rock, par moments bilingue. L'entendez-vous frapper? Certains le précéderaient il va sans dire, et d'autres l'imiteraient, mais tous profiteraient de son impulsion!

* En référence au continent entier.



Angelo Finaldi & Richard Tate - Le Sorcier le Maudit / Pas Fou (1974; Extra EX 7726)


Finaldi (guitariste) et Tate (batteur) ont tous deux fait partie de la seconde mouture des Sinners, suivant la formation de la brève Révolution Française avec Françcois Guy, Arthur Cossette et Louis Parizeau. Recrutés pour leur incandescence glam, ces deux rockeurs feraient évoluer le son des Sinners jusque dans la seconde moitié des années 70 avec les albums Le chemin de croix de Jos Roy, «Tête de Monstre» et «?» pour ne nommer que ceux-ci. Ils accompagneraient simultannément une foule d'artistes dont Nanette, en plus de produire chacun leurs propres albums solo. Finaldi réaliserait Angie en 1974 tandis que Tate enregistrerait Tate à Tête la même année et un album éponyme deux ans plus tard. Fans de glam-rock, prenez note; l'article du blog Psyquébélique vous convainquera. Leurs noms sont intrinsèques au rock Québécois, tout comme d'autres moult fois cités pour leurs collaborations inventives: Nanette, Pagliaro, Roman, Georges Thurston, Walter Rossi (guitariste, ex-Influence, ex-Charlee), Pete Tessier (guitariste et ingénieur) & Quentin Meek (ingénieur).


Walter Rossi (photo puisée sur walterrossi.net)

Le Sorcier Le Maudit, un simple tiré de l'album Angie, est logiquement crédité au duo Finaldi & Tate sur l'étiquette. La chanson avait été composée pour Johnny Hallyday l'année précédante pour son album Insolitudes alors que le duo séjournait en Europe avant de revenir au pays avec Nanette dans leurs bagages. La version de Johnny ralentie la cadence et la fureur, mais demeure solide. Tate et Finaldi allaient bientôt paufiner tout ça...



Cette production signée Tony Roman nous replonge dans un thème souvent exploré par ce dernier, soit le mysticisme amérindien. D'un riff glam pesant qui n'est pas sans rappeler ceux de T.Rex, l'histoire de ce shaman touche terre sur fond de tonnerre:

Il semait la révolution et les gens avaient peur de lui.
Et les filles les plus tranquilles quittaient tout pour lui.

Le faiseur de pluie.

Le Sorcier. Le Maudit.

Il parlait au vent chaque nuit... et il pleurait!




Difficile de se retenir d'accompagner le duo de quelques coups de air guitar ! Les deux face ont la particularité d'être électrifiée par le guitariste émérite Walter Rossi. La face B, co-signée par Luc Plamondon, titille les oreilles à la première écoute. D'où provient ce riff de l'intro? Ça me dit quelque chose... En effet, le tout n'est pas sans rappeler les premières notes de Everybody's got something to hide except me and my monkey des Beatles. Et à la manière de l'Album blanc, ce titre revient loussement à la base avec son 12 bar blues et rejoint du même coup le son popularisé justement par Pag. Madeleine Chartrand et Nanette, la blonde de Finaldi à l'époque, ajoutent leurs voix à Pas fou et au reste de l'album d'Angie. Recommandé.



Tony Roman - Vers l'Atlantide / Comment
(1970; R&B 612 )



On a souvent mentionné sur ce blog le rôle important que jouait le producteur/dépisteur/gérant/ingénieur/chanteur Tony Roman dans l'affranchissement du rock et du r&b dans le Québec des années 60-70. Véritable touche-à-tout, en fondant son étiquette Canusa, il démontrerait son sens du timing en adaptant ses véhicules promotionnels selon ses artistes fétiches et les moeurs à la mode. Et en temps Roman, les aiguilles tournent vite... En peu de temps, on l'associe à une foule d'étiquettes aussi variées et simultannées que A1, Majaro, Visa, Élite, Ballade, Révolution, Kot'Ai (lire plus bas) et R&B. J'ai toujours eu un faible pour cette dernière, une brève incarnation de 1970 qui ne dépassa pas l'année, (en opération de janvier à septembre seulement) lui devinant un acronyme juste assez culotté pour «Roman & Blues». Dans l'approche et la production limitée, on dénote plusieurs similitudes avec l'étiquette montréalaise Chart On. Coincidence? À ce sujet, voici la liste des simples R&B; je tiens à remercier Félix Desfossés, Robert Thérien, Michel et GustavOne pour leurs contributions.

R&B 601 Trevor Payne - Fa Fa Fa / Tu ne sais pas comme je sais
R&B 602 Tony Roman - Mes Blouses / Au Canada
R&B 603 Réjean & Pierre - Étrange Ville / Message
R&B 604 Georges Marchand - Ma belle amie / Bozo
R&B 605 Flo Prud'Homme - Le barreau de chaise / Les Vacances

R&B 606 Frédéric (Boudreau)- Je me souviens / Ceux qui ont mon âge
R&B 607 Loulou - Le soleil et l'amour / My love
R&B 608 Jacques Desrosiers - Pollution de l'air / Le beau temps
R&B 609 L'Armistis (Jacques Crevier) - Ma vie / Souris-moi
R&B 610
Marie-France Dubois – Viens-t’en viens-t’en / J’entends toujours le même refrain
R&B 611 Présence - Le temps de l'amour / Y'a un homme

R&B 612 Tony Roman - Vers l'Atlantide / Comment

Si l'excellente face A du dernier (?) simple de Roman pour son label, Vers l'Atlantide , a déjà été plébiscitée par Satan Bélanger sur l'essentielle compilation Freak Out Total Vol. 3, il ne faudrait pourtant pas négliger le rhythm & blues sale et ultra pesant de sa face B, Comment.

Tournez! Tournez! Tournez-vous ensemble?
Tournez-vous? Tournez vers l'amour!
Comment? Comment? Faire la révolution!
Comment faire, faire la révolution! Whooaoow!


À gorge déployée,
le chanteur y liste sommairement les éléments essentiels à sa révolution, sans fleurs ni "doigts en V". L'imposante guitare doit d'abord partager le mix avec un accompagnement plus fignolé de piano électrique, choeurs féminins et saxophone, mais c'est pour mieux revenir à l'avant-scène vers 1m48s, sous un tonnerre de percussion. Quelle décharge! On imagine la sueur perler des murs du studio!


Tony Roman - Rain Train Crescent Street / Come and see the show (1972; Kot'Ai KO 152)


La fibre r&b de Roman l'accompagnerait encore sur quelques simples ultérieurs à sa phase Canusa, notamment sur le méconnu label Kot'Ai. Déjà responsable des publications de L'Infonie (Volume 333), Toubabou, Mohagony Rush ou du mystérieux groupe folk Moonstone, cette minuscule étiquette aurait bien pu être l'un des nombreux projets auquel le producteur s'associa, du moins partiellement. On sait déjà qu'il participa à titre d'ingénieur pour l'album de Moonstone et qu'il produisit un simple sur ce label à la même époque. Le reste n'est que pure spéculation, même si l'oeuvre de Roman demeure des plus tentaculaires... L'étiquette poursuivit ses activités au cours des années 70, changeant même de design vers 1975, misant presqu'essentiellement sur des artistes anglophones.

Sur la face A ( Rain Train Crescent Street ) de ce simple peu commun, on jurerait que le chanteur a emprunté sa section de cuivres à celle de John Fred & the Playboys. Au piano, Roman y va de sa voix nasillarde et d'un ton salace pour nous replonger dans la scène entre la rue Crescent et la Main. You got nothin' to win, nothin' to lose / When you're feelin' it, babe / Woman, you make me feel so loose. Les paroles demeurent vagues et la prose sobre, mais ce n'est que du rock n' roll après tout et ce qui prime, c'est le groove. Vous serez servis. La face B, Come and see the show , nous offre un Roman avec juste ce qu'il faut de reverb dans la voix pour planer sur sa ballade morose. On le sent plus investi aussi. Le style rappele par moments celui des chansons torturées du regretté Chris Bell (Big Star) ou, plus près de nous, Jean Fortier. Comme ce dernier, il transpire les influences blues et soul entre des choeurs chauds et éthérés. Tout cliquait si bien, pizzicattis compris... si ce n'était de ce saxophone plus qu'intrusif.

Les productions de l'étiquette Kot'Ai demeurent à être cataloguées. Si vous souhaitiez contribuer quelques informations relatives au label ou à d'autres artistes qui y furent publiés, ne vous gênez pas pour nous écrire.






Max - The Flying Dutchman / Run Run (1970; Trans-World TWS 1740)


Un mystère que ce groupe. Nous n'avons pu recueillir aucune information quant à l'identité des musiciens, si ce n'est le nom de leur producteur: H. Leopold. Publié sur l'étiquette Trans-World, leur unique simple fut probablement enregistré autour de 1970, si on se fie au 45 tours du groupe Oliver Klaus (Feeling Groovy TWS 1733) publié à la même époque. Extrêmement recherché, une copie fut vendue sur eBay récement pour la ronde somme de 250$. Si vous êtes en possession d'informations supplémentaire au sujet de Max, contactez-nous! J'en profite pour remercier Stéphane, un collectionneur émérite qui m'a gentiment aiguillé vers ce rarissime simple.


Ce rock est définitivement encré dans des influences west-coast si ce n'était de son matricule, pourrait être difficile à situer dans le temps. C'est que ce son n'était pas encore popularisé en province à l'époque et je m'avancerai en le décrivant comme légèrement avant-gardiste. Cela dit, ce groupe rock ne révolutionne aucune convention stylisque, mais parvient noblement à ses fins. The Flying Dutchman démarre avec une mélodie cyclique qui révèle un pont moyen-oriental avant de d'emboîter vers un refrain plus soutenu avec choeurs féminins. L'attitude rock y est, mais on sent la recette; il ne manque qu'un petit quelque chose il me semble pour que ça lève. Peut-être de meilleures paroles... La face B, Run Run , démontre plus de potentiel avec sa rythmique lousse et subtilement funky. Le soliste, plus timide que sur la face A, y va de quelques élans à nouveau pas piqués des vers. Qui étaient ces musiciens?




Here's a sample of early Quebec rock scene, circa 1970-1974. Michel Pagliaro and Offenbach may be our most famous french speaking acts in the genre, but many others tried to define a true Quebec rock, most notably in french. A wide scene regrouping maverick producer/singer Tony Roman bloomed at the start of the 70's, showcasing tons of other rock influences such as Nanette Worman, Angelo Finaldi & Richard Tate (Les Sinners), Georges Thruston (Boule Noire, 25th Regiment), Walter Rossi (Influence, Charlee), Quentin Meek or Pete Tessier (sound ingineer)... Bands such as Dyonysos, Vos Voisins, Connexion or Sex also put out a fair share of sweaty, ballsy blues rock. Charlebois had opened the gates in the 60's and now the beast was loose.. to rock in french! If you have any informations about the Kot'Ai label or the musicians behind the rare and unique single by Montreal band Max, write us.


Téléchargez tous ces simples / Download all these 45 :


Miscellannées du Rock Québécois (1970-1974)